Une langue ardente, mais pas pour sucer
Une langue, c’est utile pour sucer. Mais Sœur Salem de la Langue Ardente, du Couvent du Nord, nous a fait la brillante démonstration que parfois, la langue, on préfère la tourner sept fois dans sa bouche, puis ne pas mâcher ses mots.
Cleews Vellay – La présidente d’Act Up-Paris de 1992 à 1994, a dit un jour : « Au fait, docteur, si demain vous me proposez des quetsches pour durer encore un peu, je les prendrai, jusqu’au dégoût, parce qu’il faut bien l’avouer ici : j’ai envie de vivre, et pas seulement pour faire chier le monde. »
Ce jour-là, le mythique militant est devenu la Reine des Quetsches.
Hier, samedi 29 novembre 2008, Sœur Salem de la Langue Ardente, dite Foufoune la Tulipe, était la Reine des Putes – double Reine, donc, Impératrice ? –au passage, tout ce qu’on souhaite aux travailleurs du sexe, c’est de pouvoir dire « Je ne suce pas » quand ça leur chante.
Sœur Salem de la Langue Ardente ne suce pas. Elle parle. Elle nous a invitées pour une soirée-réveillon de la Saint-Sida en sa bonne ville de Lille. Pour cela, elle avait trouvé un théâtre de quartier qui accepte d’accueillir la très Sainte et néanmoins iconoclaste Messe de la Perpétuelle Indulgence, et elle a fait travailler des dizaines de jolies petites Chinoises – barbues et cravatées pour certaines, qui ont préparé le repas pour les quelque 150 personnes invitées. Bien sûr, elle était aussi épaulée par sa fille Novice Chlamydia des Bois, que nous avions eu la joie d’accompagner pour son élévation en juin dernier.
Alors, une partie du Couvent de Paname s’est déplacée, presqu’à dos de chameau, pour honorer sa confiance. Un couvent de plus en plus grand, puisque nous avons eu la joie d’élever à notre tour un magnifique pilier de la communauté Bear, métamorphosé en Marie-Mo Nique ta Mère dans un magnifique mouvement de réappropriation de l’insulte. Mais sa Mère Ursita aura sans doute bien d’autres choses à dire sur son élévation.
La Messe a donc été dite. Devant un public parfois conquis – merci aux fidèles des ressourcements, en particulier le Petit Hérisson Ch’ti – parfois surpris, habitués du théâtre, et nos amiEs les HétérosexuelLEs qui savent si bien rire à contre-courant…
Une messe dédiée à la mémoire de deux personnes décédées récemment : Maryse, Maman de quatre enfants, et Father Butch, Soeur américaine. Une messe jouée pour TouTEs avec la complicité si agréable du personnel technique du théâtre, qui a été aux petits soins.
Nous avons aussi déplié un patchwork à la mémoire de Lionel, réalisé par ses amis.
Dans les couloirs et les espaces du théâtre, des fanions peints par des personnes séropositives ou concernées racontaient la lutte contre le sida. Un mur relatait l’épopée – triste et consolatrice à la fois – de la tradition du Patchwork des Noms : née aux Etats-Unis, où le Patchwork est un art très populaire, elle consiste à réaliser des panneaux de tissu à la mémoire d’un proche mort du sida.
Et puis, à l’heure du repas solidaire, Sœur Salem a prononcé le bénédicité. Possiblement, tout le monde n’aura pas compris ce que Sœur Salem ne suce pas, n’avale pas. Possiblement, certains auront crissé des dents parce que Sœur Salem n’avale pas. Sérieusement, vous croyez que ça sert à se protéger du sida, un grattoir à verglas gravé d’un ruban rouge ? C’est juste, un peu, comme une quetsche. Mieux vaut donc toujours y préférer le latex.